Les crues de la Meurthe

La crue d'octobre 2006 (M. Grosjean)
La crue d'octobre 2006 (M. Grosjean)

 

Typologie des crues

Le bassin versant de la Meurthe est caractérisé par une période de hautes eaux en hiver, alimentée par les précipitations, et une période de basses eaux à la période estivale, liée à l'évapotranspiration (évaporation du sol, des nappes et des végétaux).

Les crues sont avant tout dues aux débordements des cours d'eau. Elles sont de type océanique avec une possible influence de la fonte des neiges. Le SPC Meuse-Moselle classe les crues en quatre catégories.

  • Les crues d’automne : Les Vosges jouent un rôle décisif dans la formation de ces crues du fait des caractéristiques géologiques du bassin versant sur cette zone (principalement granitique donc imperméable) - de même que la saturation des sols due aux précipitations, plus importantes ici qu’en plaine, entraînent des coefficients d’écoulement importants.

  • Les crues d’hiver en cas de dégel soudain : Les écoulements provoqués par la fonte des neiges et le volume du manteau neigeux sont décisifs dans la formation de ces crues. La quantité de neige tombée avant la crue détermine le niveau de cette dernière, tandis que la vitesse à laquelle la neige fond influe fortement sur les débits maximums des crues. Ces crues d’hiver sont toutes provoquées par un dégel occasionné par un courant de sud-ouest, elles peuvent toutefois extrêmement varier (vitesse d’écoulement, quantités écoulées, durée, etc.)

  • Les crues d'hiver par vent d'ouest : Ces épisodes de crue sont essentiellement provoqués par les pluies. Lorsque l’épisode pluvieux intervient, le sol est très souvent saturé par les pluies précédentes. En général, le coefficient d’écoulement est assez élevé. L'effet est durable sur tout le bassin versant en raison de toute une série de précipitations consécutives, liées au passage de plusieurs perturbations océaniques.

  • Les crues de printemps : Il s’agit des crues les plus violentes. De l’air chaud et humide arrive du bassin méditerranéen, les fronts pluvieux avancent lentement et abordent la région par le nord-est ou par l’est. Un courant alimenté en air chaud et humide en provenance de la Méditerranée apporte de violentes précipitations, remarquables en termes de quantité et d’intensité...

Historique des crues

Nancy - Les inondations, 9 & 10 Novembre 1910 Rue de Tomblaine (Collection Pierre Boyer)
Nancy - Les inondations, 9 & 10 Novembre 1910
Rue de Tomblaine (Collection Pierre Boyer)

 

La récente étude historique commandée par l'EPTB Meurthe Madon au Laboratoire de Recherche en Géographie de l'Université de Lorraine (LOTERR) a permis de mettre en avant la sensibilité du bassin versant aux inondations.

En effet, depuis le XVIème siècle plus d'une cinquantaine d'inondations ont touché le bassin et sa population, parmi lesquelles :

Décembre 1919


Cette crue était manifestement la crue de référence avant 1947. Elle est due à de fortes précipitations accompagnées d'un réchauffement et de fonte de neige (20 cm). Elle a causé la perte d’au moins une vie humaine, de nombreuses routes et voies ferrées étaient coupées, des usines ont dû fermer et de nombreuses habitations ont été inondées.

 

 

Décembre 1947


Il s'agit de la crue de référence pour de nombreux cours d’eau du bassin avec une période de retour au moins centennale. Bien que les inondations soient de courte durée (une semaine), les dégâts sont exceptionnels -plus d’un milliard de francs- avec des pertes humaines et de nombreux blessés. A Nancy, 18 000 personnes sont sinistrées et 2 000 immeubles endommagés. Les lignes ferroviaires, les réseaux téléphoniques, le réseau de distribution du gaz sont coupés. Plusieurs ponts et routes sont détruits, notamment à Flin (54). La cause première de cette crue est l'abondance des précipitations durant le mois de décembre, entre deux à trois fois plus que la normale. Une bonne partie des précipitations antérieures à la crue s’est produite sous forme de chutes de neige en montagne : 40 à 50 cm de neige au dessus de 600 mètres dans les Vosges et 80 cm au sommet. En deux jours, plus de 200 mm de pluie sont tombés au sommet et sur le flanc nord-ouest, et de 90 à 100 mm sur le reste du bassin à l'amont de la confluence Moselle-Meurthe.

 

 

 

Avril 1983


Mai 1983 - Nancy - Stade Victor (SDIS54)
Mai 1983 - Nancy - Stade Victor (SDIS54)

L'évenement peut être qualifié d'exceptionnel avec une période de retour comprise entre 20 et 50 ans sur l'ensemble du bassin versant de la Meurthe. La crue a été provoquée par de fortes précipitations durant le mois d'avril, avec des cumuls supérieurs à 100 mm sur un tiers du bassin versant. Les sols étaient déjà saturés en eau et une remontée des températures a fait fondre le manteau neigeux qui est venu s'ajouter à la pluie.

L’ensemble des bas quartiers de Nancy et de son agglomération a dû être évacué, des digues ont cédé dans les Vosges, des chaussées se sont affaissées, les circulations routières et ferroviaires ont été particulièrement perturbées.

 

 

Février 1990


La crue résulte de fortes pluies associées à une fonte des neiges. En effet, février 1990 est le mois de février le plus doux des 50 dernières années en France, et principalement dans le Nord-Est.

La crue a principalement touché l’amont du bassin versant avec des caves inondées et surtout une coulée de boue qui emporte un camp forain dans le secteur de Saint Dié. Plus en amont, de gros dégâts matériels sont constatés sur toute la vallée avec en particulier une entreprise envahie par un fort courant suite à une rupture de digue, 120 employés se retrouvent alors au chômage technique.

Janvier 2004


La Vezouze a atteint une cote record, avec un débit de pointe dont la période de retour a été estimée entre 20 et 50 ans. La crue a causé des dégâts importants avec l’évacuation de nombreuses familles. A Blâmont, de nombreux commerces et maisons ont été inondés. Les dégâts s’étendent aussi du côté de Damelevières et Lunéville, à la confluence de la Vezouze avec la Meurthe.

Octobre 2006


Il s'agit de la dernière crue exceptionnelle connue, avec un temps de retour supérieur à 20 ans sur la Mortagne et la Vezouze, et de l'ordre de 50 ans sur la Meurthe. Elle a été provoquée par l'arrivée de flux océaniques rapides qui ont générés d'importants cumuls de précipitations. La Vezouze et la Mortagne ont fortement contribuées à la crue de la Meurthe en apportant à elles seules la moitié du volume de crue transité.

Plus de 2 000 interventions de pompiers ont été recensées en 36 heures dans les Vosges, plus de 50 commerces ont été sinistrés, 8 entreprises ont dû fermer et mettre leurs 250 employés au chômage technique. De nombreuses routes et voies ferrées ont été coupées, en particulier la ligne Nancy-Epinal.

Mai 2012


Cette crue concerne des affluents de la Meurthe (le Grémillon, l’Amezule et le Prarupt) dans et aux environs de l’agglomération nancéienne. 103 mm/m² de pluie sont tombés en 4 heures, soit une intensité dont l’évaluation de la fréquence donne une période de retour de l’ordre de 200 ans.

Ces orages ont provoqué la crue des cours d’eau en raison du ruissellement et d’un environnement fortement imperméabilisé. Cette crue a fait un mort, plus de 110 entreprises touchées et des dégâts estimés à plus de 50 millions d'euros.

Pour en savoir plus

Historique des crues et rapport des sociétés au risque d’inondation dans le bassin versant de la Meurthe depuis le XVIIIème siècle.

Un article rédigé par l'équipe du LOTERR, laboratoire de recherche scientifique en géographie et en aménagement de l'université de Lorraine qui a réalisé une étude historique sur le bassin versant de la Meurthe. Cette étude historique a permis, d’une part de reconstituer la chronologie des crues historiques et, d’autre part, de réaliser une analyse géo-historique de l’évolution des aménagements de ces bassins versants et leurs impacts sur les crues.